L’Islam au Gabon

11 décembre 20140
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Selon l’universitaire Bernadin Minko Mvé dans son ouvrage Gabon entre tradition et post-modernité dynamique des structures d’accueil fang, publié en 2003, l’Islam au Gabon se serait établi « à la suite des Catholiques et des Bethaniens, (...).

Son implantation n’est sans doute pas récente, car on le signale au Gabon dès la fin du dix-neuvième siècle. Il aurait emprunté deux itinéraires distincts : le Nord et la Côte. Il semble que c’est la voie septentrionale qui aurait servi de pénétration aux marchands haoussas qui avaient constitué une communauté assez rigide à Akoakam, un quartier d’Oyem.

Ce sont les tirailleurs et administrateurs sénégalais venus renforcer l’administration gabonaise qui ont véritablement véhiculé l’Islam au Gabon. Déjà au cours du XIXième siècle les explorateurs français recrutaient les tirailleurs sénégalais. Le sergent Malamine, l’un des plus illustres d’entre eux accompagna Savorgnan de Brazza dans son exploration. Ils assuraient aussi la protection du fort d’Aumale. Des commerçants sénégalais, musulmans pour la plupart, arriveront. Le plus célèbre d’entre eux fut Demba Ndiaye.

Durant la fin des années 1800 le pouvoir colonial français a déporté deux grands fils de l’Islam africain au Gabon. Il s’agit de Samory Touré héros de la résistance anti-coloniale et de Cheickh Amadou Bamba chef spirituel et théologien de l’islam.
Samori Touré avait créé son empire, le Wassoulou, dont la capitale était Bissandougou. Cet empire s’étendait de la Guinée à la Haute-Volta (actuel Burkina Faso) et de la forêt tropicale au Sahara sur près de 400 000 km².
Samory Touré sera capturé le 29 Septembre 1898 par le Commandant Gouraud et exilé à Ndjolé, au Gabon. Il meurt en captivité le 2 Juin 1900 des suites d’une pneumonie. C’est le Cheickh Amadou Bamba qui lui dit les prières funéraires.
Ahmadou Bamba (Cheikh Aḥmad ibn Muḥammad ibn Ḥabīb Allāh) est un théologienmusulman, marabout issu d’une lignée de marabouts. Il est né à Mbacké, une ville fondée par son arrière-grand-père dans le royaume de Baol au Sénégal.
Aussi appelé Khadimou Rassoul ce qui signifie en arabe serviteur du prophète, il deviendra l’une des figures les plus importantes de l’Islam de la région et fondera la confrérie des Mourides. Accusé par l’administration coloniale française de préparer une guerre sainte, il est exilé au Gabon en 1895.

Pourtant, il appelait les hommes à se tourner vers Dieu, prêchant la non violence, la quête du savoir utile, le travail, le courage pacifique, la détermination et la foi en Dieu. Il déclarait : "Je ne crains que DIEU, je porte mes espoirs en DIEU, rien ne me suffit si ce n’est la religion et la science."

Dans sa déportation au Gabon, le quartier Montagne Sainte deviendra l’une des étapes symboliques avec la ville de Lambaréné. Ce quartier Montagne Sainte, en entier « Montagne Saint-Etienne », tient son nom d’un chef Benga Etienne Vanè, originaire du Cap Estérias et réfugié en ce lieu vers 1855. Ses sujets ayant décidé de le tuer, car il avait embrassé la religion catholique et renoncé à ses traditions. Il ne dut la vie sauve que grâce à l’intervention des pères et du commandant de la station qui lui octroya finalement un terrain dans ce lieu.
Aujourd’hui, une mosquée y est érigée pour rappeler le passage du Cheikh Amadou Bamba.

Cheikh Amadou Bamba est resté en captivité à Mayumba, ville du Gabon et a continué ses écrits et ses contemplations spirituelles en attendant que ses partisans n’organisent son retour au Sénégal. Libéré en 1902, il retourne à Dakar la même année, après 7 ans et 9 mois d’exil. Puis il est envoyé en Mauritanie entre 1903 et 1907. Il meurt en 1927.
L’impulsion véritable de l’Islam au Gabon date de 1931 avec la construction de la mosquée d’El Hadj M’baye N’Dari, près du commissariat central de la Police de Libreville. En 1926, il sollicite et obtient du Gouverneur du Gabon l’autorisation d’occuper un lot de terrain situé en bordure de l’avenue de Cointet de 520m, à l’effet d’y installer une mosquée pour tous les musulmans du Gabon. M’Baye N’Dari qui jouit d’un grand prestige au sein de sa communauté, prend le titre d’imam et convertit même certains gabonais à la religion musulmane. El Hadj Ignace Bekalè et le musicien Rébiéno Wolbert en sont les plus connus. En 1940 les musulmans de Libreville financent l’agrandissement de leur mosquée, qui sera totalement remaniée dans les années 2000.

Aux environs de 1933 la mosquée de Port-Gentil sera achevée, et le gouverneur français monsieur Reste inaugurera celle de Lambaréné en 1935.
L’année 1973 marque un tournant décisif. C’est l’ouverture quasi effective du Gabon sur le monde arabe avec la conversion du chef de l’Etat gabonais Omar Bongo le 30 septembre de la même année. Aujourd’hui l’épanouissement de l’Islam est favorisé par deux organismes : la ligue islamique mondiale et le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques du Gabon.

Le Conseil Supérieur des Affaires Islamiques du Gabon (CSAIG) est l’institution officielle chargée de réglementer la pratique de l’Islam. Placé sous l’autorité morale du Khalife Général Ali Bongo Ondimba, il a pour but de représenter la communauté musulmane du Gabon et de défendre sa dignité et ses intérêts légitimes. Il se préoccupe de l’image, de la défense et de la valorisation de l’Islam et des musulmans auprès de l’opinion publique.
Unique interlocuteur des pouvoirs publics et des organisations islamiques, il coopère et traite avec eux des sujets concernant l’Islam au Gabon.

Le renforcement et le développement du système éducatif islamique au Gabon est l’une de ses priorités. En 1936, une école coranique ouvrit ses portes au quartier Batavéa avant de déménager à Nombakélè en 1950. Faute de moyens elle ferma en 1950. De nouvelles initiatives sont prises dans ce sens, la création du lycée Arissani en est l’exemple. En plus de veiller à la pluralité d’écoles doctrinales islamiques au Gabon et de développer le mouvement associatif islamique, le CSAIG doit créer un Centre National d’Etudes Islamiques (C.N.E.I) pour la formation d’un corps d’imams gabonais.

La Constitution gabonaise dans son article 2 : de la république et de la souveraineté dit que la République est indivisible, laïque, démocratique et sociale. Il affirme la séparation de l’Etat et des religions et reconnaît toutes les croyances, sous réserve du respect de l’ordre public.

Et le Gabon, pays cosmopolite compte aujourd’hui une nombreuse communauté musulmane à travers tout le pays. Une communauté dynamique qui apporte une vive contribution à son essor.

C’est dans le respect et l’égalité des citoyens que l’Islam se pratique au Gabon et entretient des relations fraternelles et séculaires avec les autres confessions religieuses, unis dans la paix et la concorde.

Source : Texte écrit par IMUNGA IVANGA

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