Pourquoi les Gabonais doivent renouer avec leur histoire ?

6 avril 20240
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Les Gabonais doivent renouer avec leur histoire. Loin de moi la prétention de conférer à cette entreprise fastidieuse, une quelconque aisance. Seulement, la meilleure trajectoire que nous puissions donner à ce pays l’impose, car un peuple qui ignore son histoire, est un peuple qui ne sait pas où il va, pour emprunter les mots de l’écrivain ivoirien Camara Nangala. À la place d’une réponse toute faite à notre question, du moins partiellement, je vais raconter une petite histoire, une aventure dirai-je, celle de la rencontre d’un jeune gabonais avec l’histoire de son pays, mon histoire.

Sans trop m’y attendre, déjà quatre années d’études en science politique au Sénégal au cours desquelles j’ai dû me rendre à l’évidence que la maîtrise de l’histoire est un atout incontournable, un prérequis même, pour tous ceux qui ont la ferme résolution de participer à la construction de l’État gabonais, de l’Afrique et même du monde. Le constat est sans appel de mon point de vue. Ainsi, je me suis davantage investi dans l’apprentissage de l’histoire africaine.

Je me suis lancé dans la quête de la mémoire historique de mon peuple. J’ai commencé par constituer une bibliographie que je ne cesse d’ailleurs de compléter au jour le jour. Par un de ces jours où mon emploi du temps studieux le permet, arpentant les rues des célèbres marchés de Dakar, dont Tilène, Sandaga et Colobane, où les dizaines de librairies « par-terre » sont aussi négligées qu’elles sont parfois surprenantes, je fis une heureuse rencontre avec deux ouvrages.

Le premier est Instant de vie, Omar Bongo, les miens et le monde de Mme Laure Olga Gondjout, ancienne collaboratrice du Président Omar Bongo. Dans ce récit autobiographique, l’auteure propose une pérégrination dans les arcanes du pouvoir au travers de ses expériences professionnelles internationales et nationales. Plus typiquement, elle y livre des réflexions dont une tentative pour expliquer le « recul » qu’elle a pris ces dernières années pour « observer » et « déplorer » la situation socio-politique actuelle du Gabon.

Il nous semble important de souligner qu’elle est la fille de Paul Gondjout, cadre du Bloc Démocratique Gabonais créé en 1953 puis rebaptisé Parti Démocratique Gabonais en 1968. Paul Gondjout fut membre du Sénat français, puis président de l’Assemblée Nationale gabonaise en 1957. Un autre poste que cette figure fondatrice de la politique gabonaise a occupé est celui qui suscite de multiples interrogations jusqu’à aujourd’hui, notamment celui de membre du Gouvernement provisoire installé par le coup de force révolutionnaire du 18 février 1964.

Il ne fut pas le seul d’ailleurs. Il fut dans ce gouvernement en compagnie de l’homme politique Émile Kassa, de l’ancien Président du Conseil Économique et Social du Gabon (1983-1987) Gaston Bouka, du feu ministre de l’Éducation nationale Jean-Marc Ekoh, du regretté diplomate Emmanuel M’bene, du chercheur en science sociales Philippe Ndong et père biologique de Lord Ekomy Ndong, du Docteur Eloy Chambrier, de l’acteur Philippe Maury et de l’homme politique Eugène-Marcel Amogo.Le gouvernement provisoire était présidé par Jean Hilaire Aubame Eyeghe.

Ma deuxième belle surprise de Dakar fut avec Échec aux militaires au Gabon en 1964 du Pr Moïse N’Solé Biteghe, de l’épique collection « Afrique contemporaine » dirigée par le Pr Ibrahima Baba Kaké, ce grand historien africain du Niger dont la notoriété doit en partie à ses opus courts, rédigés
avec sobriété et clarté, mais encore plus à son message : inviter le public africain à s’intéresser aux enjeux des débats sur leurs pays et leur continent.

Dans ce riche patrimoine mémoriel et historiographique laissé en héritage par Pr Kaké et ses contemporains, on retient entre autres ouvrages Le Non de la Guinée à de Gaulle de Lansiné Kaba, La mort de Lumumba ou la tragédie congolaise de l’historien français Yves Benot, Les grandes heures de la FEANF de Charles Diane. À l’issue de la lecture de cet ouvrage et au regard des acteurs, des processus et évènements importants que cela a impliqué dans la naissance du Gabon post-colonial ou contemporain, j’ai ressenti l’urgence d’en partager l’expérience. Laquelle se résume à une phrase : il est important pour le peuple gabonais de reconquérir sa conscience historique, comme essayent de le faire la plupart des africains d’aujourd’hui, de redécouvrir et reprendre possession de sa mémoire.

La plus-value de ce recours à l’histoire ne devrait aucunement se limiter à la simple connaissance des acteurs, des événements et des dates. Le mérite de cet exercice vient plutôt de la compréhension de ces éléments de forme du récit historique qui seule permet de les interpréter à la lumière du présent aux fins de bâtir l’avenir de nos sociétés. C’est de la sorte que la compréhension de l’histoire africaine peut devenir un puissant outil stratégique de libération.

Sans nourrir la prétention d’en être arrivé à cette plénitude de la réminiscence pratique de l’histoire et des histoires que racontent mes deux rencontres, je peux tirer trois leçons majeures que je m’en vais restituer dans les lignes qui suivent. Pour le moment, nous nous limiterons à l’ouvrage du Pr N’Solé Biteghe, Échec aux militaires au Gabon en 1964.

La première est l’impression que donne au jeune gabonais d’aujourd’hui que je suis la tentative révolutionnaire du 18 février 1964 qui s’était donnée comme chef, le Président Jean Hilaire Aubame. Comment lire ce chapitre précellent de la mémoire politique du Gabon en contrebas des dynamiques
politiques d’aujourd’hui ? La deuxième leçon porte sur la place et le rôle des étudiants gabonais, africains en général, dans les processus révolutionnaires comme la tentative écourtée du 18 février 1964. Que pourrait bien dire cet évènement peu connu de nos jours au jeune étudiant gabonais que je suis et à ses pairs ? Enfin, à la lumière du même événement et de ses développements nous apprendrons sur le point de vue et la vocation de l’Église gabonaise, africaine tout court, dans les processus politiques critiques, ce à partir de l’époque du jeune gabonais expatrié que je suis.

L’échec de la « révolution militaro-politique » gabonaise : entre désenchantement populaire et mythe de la souveraineté étatique.

En conversant avec Échec aux militaires au Gabon du Pr Biteghe, on retient surtout que l’échec du coup de force des soldats le 18 février 1964 trouverait son explication dans deux facteurs : d’une part, l’inertie du peuple gabonais face à ladite situation, et de l’autre, la violation du principe de non-ingérence prévu par les accords léonins, connus plus communément sous l’euphémisme « d’accords de défense », entre le général de Gaulle et le Président Léon Mba.

La décision des militaires gabonais de recourir à l’« illégalité » pour venir à bout du « régime policier » du défunt Léon Mba semble s’expliquer par les velléités hégémoniques de ce dernier et son option consistant à maintenir le Gabon dans un rapport de subordination avec la France.

Le 19 février 1964, précisément à 6h10 du matin, au lendemain du coup de force, la radio aurait lancé un appel au peuple venant du gouvernement provisoire et diffusé en français et en langue myenè, je cite : « L’armée française veut attaquer l’armée gabonaise ; le gouvernement révolutionnaire décide que tous les Gabonais et toutes les Gabonaises se rencontrent, que celui qui possède un fusil sorte sur la route, que celui qui possède une machette ou une hache sorte également pour former des troupes sur la route ».

Le message laissa les populations indifférentes. C’est ce qui aurait favorisé le contre-coup d’Etat réussi que le Pr N’Solé Biteghe semble vouloir justifier par le fait que « dans le Gabon de 1964 la société politique était en fait très réduite.

Le faible développement des forces productives, la timide pénétration monétaire et le prestige encore présent de la métropole. » Ces facteurs semble-t-il à l’origine de l’échec des militaires pourraient-ils être encore pertinents pour expliquer l’état politique du Gabon jusqu’à aujourd’hui ?

Cette question mérite d’être posée si l’on sait qu’un scénario similaire fut celui de la tentative de coup d’État avortée du 07 janvier 2019 dirigée par le lieutenant Kelly Ondo Obiang. Encore une fois, comme si l’histoire s’était figée depuis le coup de force de 1964, l’indifférence des Gabonais ce jour-là, à l’exception d’une poignée d’entre eux, semble conforter l’analyse du Pr Biteghe sur le passé, mais aussi dans le présent. En effet, le Gabon semble encore être entravé par une profonde inculture politique, pour l’une de ses franges, et une faiblesse de l’engagement citoyen pour l’autre.

Quoi qu’il en soit, il semble que cette double tare pose, comme dans le passé, le problème du contrôle réel des Gabonais sur leur destin national.

Si la question de la souveraineté est effectivement soulevée par les événements de 1964, elle ne saurait être totalement absente dans ceux de janvier 2019. Du moins si l’on en croit la rumeur publique, et surtout si l’on admet le rôle important de la rumeur dans la fabrique populaire des récits
historiques. Dans tous les cas, le problème de la souveraineté nationale pose la question de l’effectivité des principes cardinaux du droit international, du moins en ce qui concerne le Gabon et à la lumière de sa trajectoire historique depuis le coup de force manqué du 18 février 1964.

Ce jour-là, à 19h05, le lieutenant Daniel Adzo Mbene fait la promesse de sauvegarder les biens et les
personnes de toute origine. Par ailleurs, par le biais d’une lettre déposée par Jean-Marc Ekoh à l’ambassade de France, le gouvernement provisoire entendait confirmer l’assurance donnée pour la protection des personnes et biens français.

Pour un changement politique qui s’est opéré sans effusion de sang, entre un gouvernement légal détenant le pouvoir, mais sans assise populaire, et un gouvernement provisoire dirigé que par des personnalités politiques civils, qu’est-ce qui a pu valablement justifier l’intervention musclée de la France ?

Laquelle intrusion eut lieu par le truchement d’un contingent français basé à Brazzaville dirigé par le général Kergaravat de la Zone d’Outre-Mer n° 2 (ZOM-2). Cette intervention ne saurait être appréciée à sa juste mesure que si l’on interroge les termes de la coopération franco-gabonaise.

La France était-elle en coopération avec le Gabon ou avec Léon Mba et compagnie ? Pourquoi la présence depuis 1975 du 6e bataillon d’infanterie de marine français, communément appelé le 6e BIMA, basé au camp de Gaulle à la périphérie de Libreville ?

Ces questions méritent d’être posées aussi bien pour l’aventure éphémère des militaires en février 1964 que pour le putsch avorté de janvier 2019. En ce sens que la continuité semble demeurer tant pour le régime des liens franco-gabonais que pour l’impuissance ou la malchance des rares militaires tentés par la dissidence. Ce qui laisse inchangée une situation que les intellectuels et activistes africains comme les Camerounais Dr Franklin Nyamsi Wa Kamerun et Nathalie Yamb, et le Béninois Kémi Seba pour ne citer que les plus connus, du moins dans leur registre « frontal ».

En fait, c’est un peu partout sur le continent que les peuples veulent de plus en plus imputer cette situation à ce qui leur apparait comme « l’impérialisme occidental » et son pendant « le néocolonialisme français ». Ce n’est pas en République centrafricaine, au Mali ou au Burkina Faso que cette impression n’est pas devenue une conviction politique « nationale » et « populaire ».

Invoquant leur « souveraineté » et son caractère non négociable, les gouvernements militaires du Mali1 et du Burkina Faso2 ont demandé et obtenu le départ du personnel militaire français de leurs sols respectifs. Mais si les raisons incriminant la France sont officiellement les crimes d’incompétence et de subversion, il semble difficile d’en dire autrement pour le Gabon, pour l’Afrique francophone en général, aujourd’hui plus que jamais.

Seulement, et c’est la signature propre au Gabon, la stratégie du pouvoir demeure fondamentalement invariable depuis 1961 : en plus d’encourager et d’accentuer la clochardisation de l’armée gabonaise, à l’exception d’une partie de sa crème constituée de soldats acquis à sa cause, le pouvoir politique doit en même temps prévenir toute révolte grâce à l’éternisation de la base française du camp de Gaulle. Dans ces conditions, c’est tout naturellement que la protection de l’armée française fait partie de la stratégie de maintien du pouvoir politique.

Logique pour logique, l’examen de la question de la souveraineté à la lumière de la trajectoire du Gabon et des développements politiques actuels en Afrique francophone, on peut craindre que ne jaillisse de nouveau au Gabon une pousse de militaires intrigués par les expériences inédites au Mali et au Burkina Faso et se réclamant du patriotisme des soldats révolutionnaires de février 1964 et de janvier 2019. Sans doute le Pr N’Solé Biteghe aurait-il fait sienne cette interrogation, les étudiants gabonais des années 60 aussi.

La diaspora estudiantine gabonaise et noire africaine face à la « révolution manquée » du 18 février 1964.

La communauté estudiantine noire africaine dans sa globalité, et gabonaise en particulier, a fortement brillé par son implication dans le débat politique d’antan. Son engagement force le respect encore aujourd’hui, chez les gabonais/es épris de liberté. Dans un contexte politique aux enjeux
importants, elle a su prendre la responsabilité que lui confère son statut « d’avant-garde » et agir comme avec une lucidité qu’il ne lui était pas aisée de trouver.

En effet, face à la gestion jugée calamiteuse de Léon Mba, l’association des étudiants gabonais en France (A.G.E.G.) qui était une section de la fédération des étudiants d’Afriques noire (F.E.A.N.F) a opposé son mécontentement au sujet du durcissement du régime Mba. Cette prise de position semble avoir poussé Léon Mba à menacer dans un premier temps en ces termes : « les étudiants qui répandent des tracts au Gabon, je ne les tuerai pas physiquement mais moralement ». À cette menace les étudiants ont répondu par une lettre ouverte dans laquelle ils s’en prennent à lui, aux « colons non convertis », aux «  groupuscules de parvenus africains » et à «  l’oligarchie financière internationale ». Manifestement outré, le pouvoir obtint du gouvernement français l’arrestation de deux dirigeants de l’A.G.E.G., en l’occurrence Bernard Ondo Nze et Joseph Ndong Obiang, à la cité universitaire de Paris. Par la suite, ils seront transportés à l’aéroport du
Bourget pour être renvoyés au Gabon.

Cet autre épisode non moins intéressant de l’histoire politique du Gabon nous interpelle sur la responsabilité des étudiants d’aujourd’hui et de demain. On peut s’interroger en l’occurrence sur le rapport entre le degré de prise de responsabilité publique des étudiants d’une part, et le mutisme et l’inaction des dirigeants face aux défis structurels concernant l’éducation et l’enseignement supérieur d’autre part : par exemple, le manque d’universités, de programmes scolaires et d’un système éducatif patriotiques pouvant générer un capital humain critique. Il faut souligner que l’éducation
patriotique est fortement rattachée à la formation de l’esprit et du comportement citoyen dans une société donnée. En l’espèce, l’histoire y joue un rôle cardinal. Il faut impérativement retracer les grands évènements et les figures exemplaires qui lui sont indissociables, et les distiller avec une
pédagogie efficiente.

À la subtile inquiétude que nous exprimons, à la suite de Cheikh Anta Diop, Joseph Ki-Zerbo, Niousse kalala Omotunde et Théophile Obenga qui ont montré, à raison combien l’enseignement de l’histoire africaine est négligé dans les systèmes scolaires hérités de la colonisation.

Plus stratégiquement, la question de l’éducation du peuple est déterminante, d’autant plus qu’elle a manifestement marqué les réflexions sur la construction des États. L’éducation patriotique est donc véritablement liée à l’ambition et aux demandes de libération et d’autonomie, de souveraineté,
mais aussi d’influence dans le concert des nations. Si l’on en croit le Pr N’Solé Biteghe, les élèves du Lycée Technique National Omar Bongo l’avaient certainement compris, eux qui répondirent à l’appel du gouvernement de transition émis par Daniel Mbene au lendemain de la tentative de coup d’État
du 18 février 1964. Surtout, ces élèves se sont fait une bonne réputation dans les mouvements de protestation au Gabon.

Le défi de l’Église gabonaise face à la crise politique et sociale.

La séparation de l’Église et de l’Etat, doit-on le rappeler, est un héritage colonial. Elle procède de la loi du 9 décembre 1905 qui consacrait alors cette scission. Ce produit de l’histoire française peut-il trouver sa raison d’être en Afrique, précisément au Gabon ? Léon Mba, premier président du Gabon qui, par l’entregent de son frère aîné Jean Obame, est entré très tôt dans le monde des missionnaires. Mais peu de temps après il se retire à cause des diktats du clergé européen sur le clergé local. Léon Mba qui a embrassé la politique aux côtés de Jean-Baptiste Ndendé et Laurent-Cyr Antchouet a même accusé l’Église de colonialisme.

À sa nomination au poste de Chef de canton en 1936, sa carrière politique a suivi vraisemblablement le chemin de la promotion de la dignité de l’homme noir, suivant le constat d’une inégalité noir/blanc ostensible. De quoi inquiéter ses supérieurs de l’hexagone. Il aurait trouvé une incompatibilité entre l’Église coloniale et le combat pour une meilleure condition de l’homme noir.

Cette contradiction débouche sur son allégeance à ce qui est qualifié de secte initiatique, le « Bwiti », qui de son point de vue pouvait constituer l’arme de la tradition pour venir à bout de l’injustice qu’il
a vécue. Ce recul lui aurait valu son transfert dans l’Oubangui Chari, l’actuelle République Centrafricaine.

Il est sanctionné et condamné à trois ans d’emprisonnement et à dix ans d’interdiction de séjour pour, semble-t-il, un « détournement d’impôts ». L’expérience de Léon Mba n’est-elle pas une
illustration de l’ambiguïté de la position de l’Église dans un contexte de crise sociale et politique ? On peut le croire dans la mesure où le positionnement de Léon Mba face à l’Église semblait interpeller celle-ci à propos du contexte politique de l’époque qu’il trouvait déshumanisant pour l’homme noir.
Cependant, avant et durant l’évènement du 18 février 1964, Monseigneur François Ndong Ndoutoume s’est illustré par son engagement en faveur d’un Gabon juste et prospère. Cet homme de foi avait toujours considéré que l’Église ne devrait pas être à la marge de la vie sociale.

En effet, comme l’énonçait la commission sociale de l’épiscopat français, la vocation d’une église engagée n’est pas de se substituer au pouvoir politique puisqu’elle n’a ni compétences techniques propres, ni pouvoirs institutionnels à finalité politique ; elle a plutôt vocation à stimuler les énergies spirituelles, à rappeler le rôle fondateur des valeurs de transcendance et de spiritualité pour la
construction d’un monde plus digne de l’homme, fils de Dieu.

C’est clair, en tant qu’héritière d’une noble lutte humaniste, l’Église, par l’authenticité de l’évangile qu’elle annonce, ne doit pas déserter le débat politique dans des systèmes aussi avilissants que ceux vécus par les africains, et ce en préservant sa lucidité et sans s’identifier ni se réduire à un quelconque groupement politique.

Par ailleurs, l’Église ne devrait pas se soustraire de la gestion de la cité sous prétexte qu’elle est exclusivement citoyenne du ciel. Dieu lui-même qui en est le garant, s’est fait chair et a vécu parmi nous. Les voix qui s’élèvent pour taxer l’Église d’intruse devraient en réalité interroger la nature des régimes en présence. Ils verraient que ce qui semble être une intrusion injustifiée de l’Église dans le débat politique en Afrique est rendue nécessaire dans certains cas, dans la mesure où l’expérience prouve que, laissée à elle-même, la politique peut malheureusement devenir un instrument de déshumanisation aux mains d’une minorité. Il faut convenir avec Jean Marc Ela qui écrit dans Le cri de l’homme africain : « L’Église est donc dans son rôle d’éveiller les consciences endormies par la peur et la fatalité pour faire face à ce qui se présente ni plus ni moins comme une confiscation de la dignité humaine ».

L’église gabonaise aujourd’hui, si l’on se prête à l’analyser en rapport avec le débat politique, semble être frappée par une crise de l’autorité religieuse. D’ailleurs, ce constat bien amer semble s’étendre aux autres confessions religieuses révélées ou traditionnelles.

3 Wabey, Francis, L’Église et la politique en Afrique : Éléments de réflexion pour dédramatiser le
débat, l’Harmattan, p73.
4 Ibid., p 19.

© Tous droits réservés – 18 juillet 2023.
Références bibliographiques Benot, Yves, La mort de Lumumba ou la tragédie congolaise, Dakar :
Éditions Chaka.
Diane, Charles, 1990, Les grandes heures de la FEANF, Dakar : Éditions
Chaka.
Gondjout, Laure Olga, 2020, Instant de vie, Omar Bongo, les miens et le
monde
, Abidjan : Éditions Talaba.
Kaba, Lansiné, 1990, Non de la Guinée à de Gaulle, Dakar : Éditions Chaka.
N’Solé Biteghe, Moïse, 1990, Échec aux militaires au Gabon en 1964,
Dakar : Éditions Chaka.
Wabey, Francis, 2009, L’Église et la politique en Afrique : Éléments de
réflexion pour dédramatiser le débat
, France : l’Harmattan

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