Capital Naturel : l’étude de faisabilité de la mise en place d’un crédit biodiversité en discussion à Libreville

5 janvier 20210
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WWF Gabon a récemment organisé à son siège de Libreville, un atelier de restitution sur l’étude de faisabilité du Capital Naturel, réalisée par des consultants. Cet atelier qui s’est déroulé dans le respect des mesures barrières a vu la participation des représentants de plusieurs parties prenantes en visioconférence. L’étude veut aider à mieux cerner la perspective d’une compensation écologique multisectorielles au profit d’une gestion durable des ressources naturelles au Gabon.

A travers cette étude, WWF Gabon tenait à avoir «  une analyse prospective et un ensemble de recommandations sur le potentiel de développement d’un système efficace de compensation ou de crédits pour la biodiversité qui pourrait contribuer à assurer la conservation au long terme de la biodiversité forestière du Gabon.

L’étude offre également l’occasion d’étudier comment la politique de développement durable et le système de compensation ou pour la biodiversité pourraient contribuer à atteindre les objectifs en matière de biodiversité auxquels le Gabon s’est engagé, par exemple dans le cadre de son accord avec la CAFI, ou que le pays envisage d’adopter dans le cadre de la Convention pour la Diversité Biologique et de la Coalition pour une Haute Ambition pour la Nature et l’Homme qui vise à protéger 30% de la planète d’ici 2030 » explique Eugène Ndong Ndoutoume, Responsable Business et Biodiversité WWWF Gabon.

Pour rappel, le « Plan Opérationnel Gabon Vert : Donner à l’Emergence une trajectoire durable Horizon 2025 » indique que le Gabon est un pays de forêt. Son territoire terrestre est recouvert par 23 millions d’hectares de forêt tropicale humide, soit l’équivalent de 85% de sa superficie. Cette forêt s’inscrit dans le continuum du bassin forestier du Congo, qui constitue le deuxième “poumon vert” de la planète, après l’Amazonie. La forêt gabonaise est l’une des mieux préservées au monde. Les observations réalisées dans le cadre du Plan Climat ont révélé que le taux de déforestation annuel moyen est de 0,004%, soit un taux cumulé de disparition de la forêt de 0,04% sur les dix dernières années.

De plus, cet écosystème préservé abrite une biodiversité particulièrement riche : 400 essences de bois, 10 000 espèces de plantes (dont près de 15% sont endémiques), 705 espèces d’oiseaux, 70 espèces de reptiles et près de 190 espèces de mammifères sont répertoriées. Le Gabon détient la plus grande concentration d’éléphants de forêt du continent africain. Cette biodiversité unique fait du Gabon l’un des derniers sanctuaires naturels d’Afrique tropicale.

Comment parvenir à gérer durablement ces ressources au regard des politiques d’industrialisation de plusieurs secteurs d’activité, tels que les mines, l’exploitation forestière, et la pêche ? Sur la question, Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), consultant pour cette étude, explique : « Il faudrait que la loi instaure (i) des obligations de compensation pour toutes les activités destructrices pour l’écosystème (y compris les plantations de plantes pérennes ou d’arbres à croissance rapide), (ii) que l’État crée une structure spécialisée qui établira les obligations et les règles de compensation, (iii) Cette même structure devra valider les « crédits biodiversité » spécifiques à chaque écosystème et émis par des « concessionnaires de développement durable » (loi de 2014), (iii) Cette structure devra ensuite valider les acquisitions de crédits biodiversité par les « développeurs  » (les miniers, etc.) et s’assurer des équivalences (combien de crédits biodiversité lié à tel écosystème pour compenser la destruction de X hectares d’un écosystème semblable ?), (iv) s’assurer de la permanence des compensations dans le temps, sanctionner les « tricheurs »…

On voit que cela demande un gros effort de construction institutionnelle et des ressources humaines de haut niveau, même si des bureaux d’études et des consultants accrédités auront un rôle important, par délégation. Donc, la mise en place d’un tel système prendra du temps. Cela peut offrir des débouchés professionnels intéressants, tant dans la structure publique que dans les bureaux spécialisés privées, aux jeunes ingénieurs universitaires écologues.

Des perspectives qui prendront certainement un bon moment avant la mise en œuvre. Mais il apparait clairement que tout est une question de volonté politique. Sur l’aspect des secteurs d’activité concernés, le consultant a indiqué que ‘Du côté de la demande de crédit, tous les acteurs économiques dont l’activité a des impacts négatifs sur la biodiversité devraient être concernés (mines, grandes plantations agro-industrielles, pétrole, infrastructures routières, lotissements…). Du côté de l’offre de crédits, la loi de 2014 réserve à des « concessions de développement durable » le privilège exclusif de générer des « crédits de développement durable  ». Mais la loi de 2014 ne précise pas quelles sont ou seront ces concessions de développement durable. S’agira-t-il de concessions de conservation, de concessions forestières certifiées FSC ou PAFC, ou d’autres formules ? Nous devons, pour le moment, faire des hypothèses, qui ont été présentées durant cet atelier de restitution ».

De l’observation du consultant, aujourd’hui seules certaines entreprises, du fait de leur adhésion à des standards volontaires internationaux, tentent de compenser leurs impacts négatifs, et elles sont seules juges de la qualité de leur compensations (avec leurs bailleurs). Une obligation légale et système national, avec une solide régulation publique, systématiserait et accroitrait les efforts de compensation et permettrait de mieux vérifier la réalité et la qualité des compensations, notamment leur additionnalité. En outre, cela permettrait de mettre à contribution le secteur privé pour financer conservation et restauration des écosystèmes, contribution d’autant plus nécessaire que l’État fait face à des contraintes financières importantes.

Sur le délai de mise en œuvre de ce système de compensation, les consultants estiment qu’il y a encore de nombreux points sur lesquels le gouvernement devrait apporter des précisons, car il reste des incertitudes quant aux intentions précises du législateur. Ce qui est clair, c’est qu’il faudra que se mette en place une institution spécialisée avec des cadres formés à ces problématiques, et cela va prendre du temps. Cependant, des programmes pilotes sur un ou deux départements pourraient éventuellement être lancés dans les 2 ou 3 ans qui suivront la publication des textes d’application de la loi de 2014, ce serait dans l’ordre du possible.

Dorian ONDO

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