René « m’a tuer » ! de Jean Valentin Leyama

1er avril 20210
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René "m’a tuer", c’est la nouvelle chronique de l’ancien Directeur de Cabinet adjoint du Président de la République, Jean Valentin Leyama. Dans un style aiguisé, il fait l’analyse de l’initiative lancée par le Président du Parti Démocratie Nouvelle (DN), au sortir d’un entretien avec le Président de la République. Une initiative visant au rassemblement des « enfants » d’Omar Bongo, où qu’ils se trouvent, autour, bien entendu du premier et véritable héritier du défunt président (!), avec en perspective, le retour des « brebis égarées » dans la maison du Père, à savoir le Parti Démocratique Gabonais (PDG).

Le 24 juin 1991, à Mougins, une petite commune des Alpes-Maritimes françaises, les enquêteurs découvrent dans sa maison, le corps sans vie de Ghislaine Marchal, la patronne des lieux avec cette inscription sur une porte, écrite avec du sang : « Omar m’a tuer », en référence à son jardinier marocain Omar Raddad à qui on semblait imputer le crime. Depuis lors, cette graphie incorrecte a été maintes fois détournée et je m’y mets aussi pour analyser, la situation créée par la décision du Président du Parti Démocratie Nouvelle (DN), au sortir d’un entretien avec le Président de la République.

L’intéressé déclare avoir évoqué avec le Maître des lieux, une initiative visant au rassemblement des « enfants » d’Omar Bongo, où qu’ils se trouvent, autour, bien entendu du premier et véritable héritier du défunt président (!), avec en perspective, le retour des « brebis égarées » dans la maison du Père, à savoir le Parti Démocratique Gabonais (PDG). Connaissant les talents de tacticien de l’homme politique, ancien footballeur de talent, une telle sortie a dû être murement calculée et que le processus a précédé la prise de parole.

Point n’est besoin de revenir sur le parcours de cette personnalité politique, ancien baron du PDG, qui démissionne de ce parti en 2015 pour l’opposition radicale, une année avant l’élection présidentielle de 2016 au sein de laquelle il a joué un rôle décisif en faveur du candidat Jean Ping et contre le Président actuel.

Au lendemain de la proclamation des résultats, répondant à l’appel au dialogue lancé par le Chef de l’Etat, il a été, avec le Président du PSD, l’un des principaux artisans du Dialogue d’Angondje au moment oû les autres leaders de l’opposition sont demeurés fidèles à Jean Ping, au sein de la Coalition pour la Nouvelle République (CNR). Recompensé pour services rendus au poste de Président du CESE, le Président de DN comme les autres partis ou personnalités acteurs du Dialogue d’Angondje, soutiennent l’action du Gouvernement, notamment par le biais de leurs élus au Parlement, quand bien même ils continuent de se réclamer de l’Opposition.

Dans les démocraties modernes de telles alliances sont naturelles dès lors qu’aucune force politique ne détient la majorité au parlement. On voit bien en Allemagne, pour ne prendre que cet exemple, les libéraux (la droite) et les sociaux-démocrates (droite) gouverner ensemble depuis plusieurs années.

La tradition politique dans notre pays est plutôt faite d’ouverture, des personnalités de l’opposition sont invitées à l’exercice du pouvoir quand bien même le PDG dispose d’une écrasante majorité au Parlement. Dans ce contexte, cette participation demeure essentiellement symbolique dans la mesure où ces personnalités occupent des postes ou des fonctions sans grand relief qui ne leur permettent pas de peser sur le cours des évènements. Le Président de DN aurait pu s’en tenir là. Toutefois, ce grand saut dans l’inconnu comporte un risque politique majeur, moins pour lui-même, car il n’a plus rien à perdre, mais tout à gagner à titre personnel, mais pour ses compagnons politiques et au-delà pour la classe politique dans son ensemble.

Avoir quitté le PDG avec fracas, fragilisé son président lors de la dernière présidentielle, le réintégrer avec élus, cadres et militants n’est rien d’autre que signer son suicide politique et moral. J’imagine la malice avec laquelle ceux qui sont demeurés fidèles au PDG vont accueillir ces anciens-nouveaux camarades. Si le leader est sûr de retrouver une position de haut rang, on a beau dire que le PDG est une grande maison, ça ne sera pas le cas pour ses compagnons à qui on va exiger de faire leurs classes en tant que nouveaux militants.

Maintenant, quelle est la véritable portée de cette initiative politique ? Elle ressemble à s’y méprendre à celles qui l’ont précédée : un appel opportuniste au rassemblement à la veille d’une élection présidentielle qui n’est pas gagnée d’avance, visant à confier au Président de DN la mission d’entraver la mobilisation de la province du Woleu-Ntem autour d’un candidat d’envergure de l’opposition, comme le Pouvoir l’a appris à son détriment en 2009 et en 2016. Si d’aventure, le Pouvoir venait à se maintenir, qu’est-ce qui garantit la reconduction de cet accord, d’autant que l’allié aura été neutralisé. L’histoire des alliances et accords politiques dans notre pays nous enseigne que le respect de la parole donnée ne fait pas partie de l’ADN du Pouvoir actuel, le Président du PSD l’a appris à ses dépens.

Au-delà, fondamentalement, l’initiative du Président de DN ainsi que des partis qui le suivront va affecter durablement la crédibilité de la classe politique auprès des citoyens, en raison de l’extrême versatilité, pis, la « volatilité » des acteurs politiques. Il faut craindre que le sentiment du « bonnet blanc, blanc bonnet » ne profite finalement au Pouvoir. Et si c’était celui-ci l’objectif réellement recherché ?

Jean Valentin LEYAMA

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